© Musée Curie (coll. ACJC)

Les prix Nobel des Curie et des Joliot-Curie

Pierre Curie (1859-1906), Marie Sklodowska-Curie (1867-1934), leur fille aînée Irène Curie (1897-1956) et le mari de celle-ci Frédéric Joliot (1900-1958), ont reçu au cours de leurs carrières 5 prix Nobel, dans deux disciplines scientifiques distinctes : la physique et la chimie.

Le prix Nobel de physique de marie et pierre curie de 1903 :

© Musée Curie (coll. ACJC)

Diplôme du prix Nobel de physique de Marie et Pierre Curie, 1903.


Marie et Pierre Curie reçoivent en 1903 un prix Nobel de physique pour leurs travaux autour de la radioactivité. Ils le partagent avec le physicien Henri Becquerel, découvreur du phénomène. Ce prix rend le couple Curie très célèbre, en France comme à l’étranger. Marie et Pierre Curie font la Une de plusieurs journaux. Ils y sont dépeints comme des génies incompris des sciences françaises, travaillant avec peu de moyens.

La notoriété et les moyens ainsi acquis leur permettent d’améliorer leurs conditions de travail. Pierre Curie obtient la nouvelle chaire de physique générale à la faculté des sciences de la Sorbonne en 1904, et la direction du laboratoire rattaché à cette chaire. Marie Curie est nommée “chef des travaux” - aujourd'hui on dirait directrice adjointe - de ce même laboratoire.

© Archives du Musée Curie
© Archives du Musée Curie
© Archives du Musée Curie
© Archives du Musée Curie
© Archives du Musée Curie

Coupures de presse datant de 1903 - 1904. © Archives du Musée Curie.

le saviez-vous ?

Marie Curie est la première femme à avoir reçu un prix Nobel. Cependant, elle a failli ne jamais le recevoir. En 1903 le prix Nobel - décerné depuis deux ans seulement - est jeune et n’a jamais encore été partagé entre trois savant·es. D’après l’historienne Natalie Pigeard-Micault, c’est probablement pour cette raison que les académiciens des sciences français, menés par le scientifique Henri Poincaré, décident de ne proposer pour le prestigieux prix que deux noms : ceux de Pierre Curie et d’Henri Becquerel. Pierre Curie, alerté par un académicien suédois, demande de réintégrer Marie Curie à la liste des candidats, sans quoi il compte refuser le prix. Il écrit par la même occasion à Henri Poincaré :

“C’est elle qui a eu le courage d’entreprendre la recherche chimique des éléments nouveaux, elle a fait tous les fractionnements nécessaires pour la séparation du radium et déterminé le poids atomique de ce métal, (...) Il me semble que si nous n’étions pas considérés comme solidaires dans le cas actuel ce serait déclarer en quelque sorte qu’elle a seulement rempli le rôle de préparateur, ce qui serait inexact”

le prix nobel de chimie de marie curie de 1911 :

© Musée Curie (coll. ACJC)

Diplôme du prix Nobel de physique de Marie Curie, 1911.


Marie Curie reçoit un prix Nobel de chimie en 1911, pour la découverte du radium et du polonium, pour l’isolation du radium, et pour l’étude de cet élément. Elle devient ainsi la seule personne à avoir obtenu deux prix Nobel dans deux disciplines scientifiques distinctes.

Décédé en 1906 dans un accident de la circulation, Pierre Curie ne peut donc partager le prix de 1911 avec sa femme et collaboratrice. Cependant, dans son discours de réception du prix Marie Curie rappelle qu’une partie de ce travail, a été mené ensemble par le couple dès 1898 :

“Je tiens à rappeler que la découverte du radium et celle du polonium ont été faites par Pierre Curie en commun avec moi. On doit aussi à Pierre Curie dans le domaine de la radioactivité des études fondamentales qu’il a effectuées soit seul, soit en commun avec moi, soit encore en collaboration avec ses élèves.”

Tout comme son mari l’avait fait huit ans plus tôt, Marie Curie se retrouve ainsi à rappeler à ses collègues l’importance de la contribution de son conjoint à leur travail commun !

le saviez-vous ?

La nouvelle du deuxième prix Nobel de Marie Curie ne tombe pas comme une surprise. Déjà en 1903, le Comité Nobel est en plein débat : faut-il donner aux Curie et à Becquerel un prix de physique ou un prix de chimie? La toute nouvelle science de la radioactivité est en effet à la frontière de ces deux disciplines. Finalement, en 1903, ce sont les physiciens qui obtiennent gain de cause, à condition qu’aucune mention ne soit faite des nouveaux éléments chimiques radioactifs. Le deuxième prix Nobel de Marie Curie, en chimie, est ainsi déjà prévu plusieurs années à l’avance..

le prix nobel de chimie de frédéric et irène joliot-curie de 1935 :

Frédéric et Irène Joliot-Curie reçoivent en 1935 un prix Nobel de chimie pour la découverte de la radioactivité artificielle. Ils sont les premiers à montrer qu’il est possible de produire artificiellement, en laboratoire, des éléments radioactifs. Leur découverte a lieu en 1934, et a des retombées immédiates et durables dans les domaines de la biologie et de la médecine.

Début 1934, c’est avec beaucoup d’émotion que Frédéric et Irène Joliot-Curie présentent à Marie Curie leur découverte, dans les mêmes locaux du laboratoire Curie où les deux scientifiques ont débuté leurs carrières. Frédéric Joliot-Curie raconte ainsi ce moment :

“Marie Curie a été le témoin de nos recherches et je n’oublierai jamais l’expression de joie intense qui s’est emparée d’elle lorsque Irène et moi lui avons montré dans un petit tube en verre le premier radioélément artificiel. [...]. Ce fut sans doute la dernière grande satisfaction de sa vie. Quelques mois plus tard, Marie Curie décédait d’une leucémie.”

Le prix Nobel est une étape importante dans la carrière des deux scientifiques, déjà reconnus au sein de la communauté internationale. Comme cela avait été le cas pour Marie et Pierre Curie, il propulse la carrière de Frédéric Joliot, qui obtient en janvier 1937 une chaire au Collège de France. Femme dans un milieu très masculin et de plus en plus compétitif, pour Irène Joliot-Curie l’évolution de carrière est davantage lente et difficile. Ce n’est qu’en 1946 qu’elle devient professeur, en tant que nouvelle directrice du laboratoire Curie de l’Institut du radium. Frédéric Joliot-Curie rentre à l’Académie des Sciences en 1943, Irène Joliot-Curie quant à elle ne connaîtra jamais cet honneur, malgré de nombreuses candidatures.

© Musée Curie (coll. ACJC)

Frédéric et Irène Joliot-Curie, avec André Debierne, lors de la fête donnée à l'Institut du radium à l'occasion de la remise du prix Nobel de 1935.

© Musée Curie (coll. ACJC)

Pierre Joliot devant les diplômes des prix Nobel de ses grands-parents et de ses parents, vers 1935.

le saviez-vous ?

Frédéric et Irène Joliot-Curie prennent chacun la parole à la cérémonie de remise du prix à Stockholm, en décembre 1935. Une rumeur circule dans la communauté scientifique internationale selon laquelle Irène serait la chimiste du couple et Frédéric le physicien. Pour aller à l’encontre de cette rumeur, les scientifiques inversent les rôles attendus dans leurs discours : Irène décrit les expériences de physique ayant mené à la découverte, et Frédéric celles de chimie.

pour aller plus loin : nos conseils de lecture

> « Marie Curie, la reconnaissance institutionnelle, des Nobel aux Académies » de Natalie Pigeard-Micault, Bulletin de l’Académie de Médecine, nov. 2017, disponible ICI;

> « Les Curie : pionniers de l'atome » de Pierre Radvanyi, éditions Pour la Science, 2005;

> « Marie Curie et le Nobel, » de Karine Blanc, Uppsala Studies in History of Science, 26, 1999;

> la fiche du prix Nobel de physique de 1903;

> la fiche du prix Nobel de chimie de 1911;

> la fiche du prix Nobel de chimie de 1935;

> le discours Nobel de Pierre Curie, 1905;

> le discours Nobel de Marie Curie, 1911;

> le discours Nobel d’Irène Joliot-Curie, 1935;

> le discours Nobel de Frédéric Joliot-Curie, 1935.