"Un savant dans son laboratoire n’est pas seulement un technicien : c’est aussi un enfant placé en face des phénomènes naturels qui l’impressionnent comme un conte de fées"


Le portrait le plus célèbre de Marie Curie, le plus largement diffusé, représente la scientifique dans
son laboratoire de chimie à l’Institut du radium. Cette photographie populaire a rendu indissociables la femme et son œuvre. Cette image ne déshumanise pas pour autant la scientifique au profit de ses recherches.

Marie Curie, née Maria Sklodowska à Varsovie le 7 novembre 1867, est une physicienne et une chimiste polonaise naturalisée française. En 1891 elle quitte la Pologne pour poursuivre ses études de mathématiques et de sciences physiques à la Sorbonne. Reçue première à l’agrégation pour jeunes filles de mathématiques, elle commence dès 1897, aux côtés de son époux Pierre Curie, ses travaux de thèse sur l’étude des rayonnements produits par l’uranium, découverts en 1896 par le physicien Henri Becquerel. Pour la découverte de la radioactivité et les travaux pionniers mettant en lumière l’importance de ce phénomène, Henri Becquerel et les époux reçoivent le prix Nobel de physique en 1903. Nommée professeur à la chaire de physique de la Sorbonne en 1908 suite au décès de son mari en 1906, elle se voit gratifiée d’un second prix Nobel, cette fois-ci de chimie, en 1911 pour la découverte du polonium et du radium.

Reconnue comme une chercheuse brillante et déterminée, Marie Curie était également décrite par son entourage comme une femme discrète laissant filtrer peu d’information sur sa vie privée. À ce titre, Marie Curie a été systématiquement assimilée à son œuvre scientifique, quitte à rendre par moment indissociable la femme de l’œuvre. Son portrait le plus célèbre, car largement diffusé, représente d’ailleurs la chercheuse dans son laboratoire à l’Institut du radium de Paris en 1921. Imperturbable, la scientifique en pleine préparation ne se soucie pas du photographe et scrute minutieusement un ballon à fond plat. Témoignant du travail en cours, la paillasse en désordre est recouverte de divers équipements de laboratoire. À son côté se trouve un grand flacon. Sensiblement à sa hauteur, cet outil au caractère anthropomorphe se fait le pendant inerte de la scientifique. Cette métaphore visuelle assimile la scientifique à son environnement. Bien qu’il s’agisse d’une photographie de laboratoire, l’ambiance n’est pas pour autant clinique et stérile. Une lumière douce et diffuse baigne la photographie dans une atmosphère paisible. Les tons sépias de la photographie participent de cette atmosphère et les teintes chaudes confèrent une ambiance animée et authentique à la photographie. Ce cliché, entre le portrait et la scène de genre, restitue Marie Curie dans son environnement scientifique. Il ne contribue pas pour autant à la déshumanisation de la personne au profit d’une mise en scène formelle. L’attitude naturelle et simple dans laquelle se trouve la scientifique se fait l’écho d’un segment de discours prononcé lors de la conférence L’avenir de la culture tenue à Madrid en 1933 : « Je suis de ceux qui pensent que la Science a une grande beauté. Un savant dans son laboratoire n’est pas seulement un technicien : c’est aussi un enfant placé en face des phénomènes naturels qui l’impressionnent comme un conte de fées. Nous ne devons pas laisser croire que tout progrès scientifique se réduit à des mécanismes, des machines, des engrenages, qui, d’ailleurs, ont aussi leur beauté propre. »

Texte de Constance Théodore
en collaboration avec le Musée Curie
et Ecole du Louvre Junior Conseil

© Musée Curie (coll. ACJC)

Marie Curie dans son laboratoire de chimie à l'Institut du radium de Paris, 1921.