Irène et Frédéric Joliot-Curie dans leur laboratoire de chimie à l'Institut du radium en 1934 : une mise en scène métaphorique et théâtrale de travaux menés à quatre mains


À partir de 1926, les époux
Frédéric et Irène Joliot-Curie entretiennent de concert une extraordinaire carrière scientifique. De nombreuses photographies, notamment celle d’Henri Manuel réalisée en 1934 à l’Institut du radium, suggéreront le travail à quatre mains que menait le couple de scientifiques.

© Henri Manuel / Musée Curie (coll. ACJC)

Frédéric et Irène Joliot-Curie dans leur laboratoire de Chimie à l'Institut du radium en 1934

Frédéric et Irène Joliot-Curie se rencontrent en 1925 à l’Institut du radium. Alors que Frédéric Joliot poursuit ses études et travaille auprès de Marie Curie à l’Institut du radium, Irène Curie prépare son doctorat sur les rayonnements alpha du polonium. Mariés en 1926, les époux poursuivront ensemble leurs recherches. Multipliant les expériences, ils découvriront le moyen de produire de nouveaux éléments radioactifs n’existant pas dans la nature. Pour la découverte de la radioactivité dite « artificielle », les époux se verront récompensés en 1935 du prix Nobel de chimie.

Frédéric et Irène Joliot-Curie entretiendront ensemble une extraordinaire carrière scientifique. De nombreuses photographies représentent d’ailleurs le couple travaillant en symbiose à l’Institut du radium. C’est le cas du double portrait photographique de Frédéric et Irène Joliot-Curie dans leur laboratoire de chimie à l'Institut du radium. Ce cliché pris en 1934 par Henri Manuel, un photographe spécialisé dans le portrait, auteur également d'un célèbre portrait de Marie Curie en 1912, montre la complémentarité des époux et leurs travaux menés à quatre mains. Frédéric Joliot-Curie au premier plan semble regarder intensément un objet lumineux situé hors-champ, tandis qu’Irène Joliot-Curie au second plan regarde un dessiccateur. Les profils des deux époux, disposés en deux plans successifs, se répondent. Encensant ce rythme binaire, un trajet coloré lie les blouses d’un blanc immaculé des deux scientifiques et met en valeur leurs visages plongés de moitié dans l’obscurité. Une source de lumière latérale venant du coin inférieur gauche de la scène, certainement celle que scrute Frédéric Joliot-Curie, éclaire les parties saillantes de leurs visages. Cette lumière artificielle sculpte les scientifiques et crée une atmosphère dramatique. De plus, cette lumière mystérieuse renvoie aux découvertes des chercheurs. En effet, modelant artificiellement les figures humaines, elle suggère au spectateur l’élément de radium connu du grand public pour ses qualités luminescentes. Ce leitmotiv populaire associant le radium à ses propriétés lumineuses renvoie donc dans l’imaginaire collectif à la radioactivité artificielle. Cet halo artificiel qui suggère l’élément de radium pourrait être rendu par une torche de studio photographique. Le photographe, Henri Manuel, un spécialiste du portrait de studio, aurait certainement utilisé cette technique à des fins pragmatiques et esthétiques. Cette mise en scène théâtrale et factice suggère ainsi le travail à quatre mains que menaient les époux Frédéric et Irène Joliot-Curie mais également, de manière métaphorique, le fruit de leurs travaux.

Texte de Constance Théodore
en collaboration avec le Musée Curie
et Ecole du Louvre Junior Conseil