Marie Curie, dresser le portrait sensible d'une femme "d'exception"


Bien souvent déshumanisée,
Marie Curie a été élevée au rang d’icône. De nombreux portraits participent à cette mystification austère de la scientifique. Un portrait de Marie Curie présenté au Musée Curie semble pourtant contrevenir à ces représentations sévères, montrant tout à la fois la savante et la femme.

© Henri Manuel / Musée Curie (coll. ACJC)

Portrait de Marie Curie réalisé en studio en 1912.

« Une femme au Panthéon », « une pionnière aux deux Nobels », « une femme d’exception » … Autant de qualificatifs élégiaques pour désigner Marie Curie, une femme pourtant fréquemment qualifiée de « modeste » et « discrète ». Bien souvent déshumanisée, Marie Curie a été élevé au rang d’icône. Certains ouvrages, tel que Lettres de Marie Curie à ses filles, ont néanmoins permis de réhabiliter la femme derrière le mythe. Publiées en 2011, elles permirent au grand public au travers de correspondances uniquement privées de se plonger dans l’univers privé et familiale intime et jusqu’ici peu connu de la scientifique.

De nombreux portraits participent à cette mystification austère de Marie Curie. La scientifique est souvent représentée dans sa blouse noire, peu souriante, voire stoïque. Un portrait de Marie Curie conservé au Musée Curie semble pourtant contrevenir à ces représentations sévères. Ce portrait concilie l’image de la savante et la représentation de la femme. Quelque chose de formel se dégage de ce portrait réalisé par Henri Manuel, célèbre portraitiste ayant également réalisé un portrait du couple Joliot-Curie dans leur laboratoire en 1934. Marie Curie adopte une posture très flegmatique rappelant celle du penseur. De face, la main sur le visage, elle s’accoude sur un livre. Cette position inscrit la scientifique dans une tradition iconographique solennelle. Participant à cette attitude formelle, la scientifique est vêtue d’une robe noire qui lui confère un air grave. Cette mise en scène maussade contraste avec le visage lumineux de la scientifique. Quelque chose de pictural, de l’ordre du clair-obscur, se joue dans ce portrait photographique. En dépit de cette apparente froideur pesant sur le portrait, Marie Curie esquisse un léger sourire en coin, presque malicieux. Si traditionnellement la figure du penseur est plongée dans ses pensées avec gravité, ici la scientifique regarde intensément le spectateur et semble échanger un regard complice avec lui. Ce portrait de Marie Curie est une antithèse subtile d’autres représentations graves qui ont contribué à déshumaniser la scientifique. Sans misérabilisme, ce portrait montre une femme mesurée et néanmoins sensible.

Aujourd’hui ce portrait est présenté dans un photomontage de quatre portraits de la famille Curie et Joliot-Curie à la section « La famille aux cinq prix Nobel » du Musée Curie. Tous ces portraits présentent les chercheurs comme des penseurs sensibles. Ce photomontage concilie ainsi le dessein du musée de présenter l’histoire de la radioactivité et l’histoire d’une famille.

Texte de Constance Théodore
en collaboration avec le Musée Curie
et Ecole du Louvre Junior Conseil