Marie Curie et Marie Meloney à Paris en 1921 pour préparer le voyage aux États-Unis : un double portrait promotionnel donnant à voir la relation amicale et admirative qu’entretenaient ces deux femmes


Marie Curie, dépourvue des moyens financiers lui permettant d’acquérir du radium, se laisse persuader par la journaliste américaine Marie Meloney de se rendre aux États-Unis lever les fonds nécessaires à ce précieux achat. Pour promouvoir cette tournée américaine, Henri Manuel réalisera un double portrait de Marie Curie et Marie Meloney.

© Henri Manuel / Musée Curie (coll. ACJC)

Marie Curie et Marie Meloney à Paris en 1921 pour préparer le voyage aux États-Unis.

Alors que Marie Curie poursuit ses recherches en physique et en chimie fondamentales, la scientifique se trouve dépourvue des moyens financiers qui lui permettraient d’acquérir du radium, un élément rare et coûteux dont le prix au gramme s’élève à 100 000 $. La journaliste américaine Marie Meloney, qui s’était vue accorder par la scientifique une brève entrevue en 1920, recueille les fonds nécessaires à l’achat d’un gramme de radium et persuade Marie Curie de se rendre aux États-Unis en sa compagnie. Ce qui devait être à l’origine une brève campagne destinée à réunir les fonds nécessaires au moyen de petites donations auprès des femmes américaines devient une véritable tournée honorifique. À la suite de nombreuses apparitions publiques dans l’Est Américain, Marie Curie reçoit le 20 mai 1921 des mains du président des États-Unis Warren G. Harding le gramme de radium lui permettant de poursuivre ses recherches en laboratoire.

Pour promouvoir cette tournée américaine, le photographe spécialisé dans le portrait Henri Manuel réalise un double portrait de Marie Curie et Marie Meloney. L’étude formelle de cette photographie en noir et blanc de 1921 donne à voir une mise en scène tout à fait conventionnelle évoquant le portrait photographique de studio ou d’atelier hérité du XIXème siècle. Néanmoins, si ce double portrait a tout d’une représentation traditionnelle, l’incohérence des proportions anatomiques et l’étude d’autres portraits individuels des deux femmes réalisées au même moment par le photographe, comme un portrait de Marie Curie en 1912, tend à montrer que cette photographie serait un photomontage. Il s’agirait certainement de la fusion de deux portraits pris séparément. Si le dessein premier de cet artifice vise la production d’une image séduisante dans le cadre de la promotion de la tournée américaine de Marie Curie, il n’est cependant pas une représentation superficielle. Ce double portrait, quoique formel, illustre la relation amicale et admirative qu'entretiennent ces deux femmes. Construit comme une antithèse visuelle, les visages féminins surexposés sur un fond noir se répondent. Marie Curie, de profil, baisse le regard et adopte une attitude songeuse et distante. Marie Meloney, de trois-quarts, serait quant à elle le pendant dynamique de la scientifique. Le regard admiratif, la journaliste semble engager un mouvement de torsion en direction de Marie Curie. Malgré leurs tempéraments passablement différents, les deux femmes établissent dès leur première rencontre une véritable amitié ainsi qu’une admiration mutuelle. En dépit du photomontage apparaissant comme un artifice mensonger visant à rendre l’image plus séduisante, ce double portrait illustre les relations sincères qu’entretenaient Marie Curie et Marie Meloney.

Texte de Constance Théodore
en collaboration avec le Musée Curie
et Ecole du Louvre Junior Conseil