Episode rayonnant 1 : Irradiation et contamination

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Publié le 04/09/2025
Modifié le 11/09/2025
par Marc Ammerich
Temps de lecture: 6mn
« Irradiation » et « contamination » : deux mots qu’on confond souvent, surtout quand il s’agit de radioactivité. Dans ce premier épisode sur les rayonnements, essayons de comprendre ensemble les différences.

Les rayonnements

Lorsqu’un noyau instable se transforme, il peut émettre différents rayonnements. Au début du XXᵉ siècle, plusieurs savants les ont découverts :

- Les particules alpha (α), repérées par Ernest Rutherford en 1899 : ce sont des particules lourdes qui ne vont pas très loin et s’arrêtent facilement.
- Les particules bêta (β), découvertes aussi par Rutherford : ce sont des électrons projetés à grande vitesse, plus légers et plus pénétrants.
- Les rayonnements gamma (γ), mis en évidence par Paul Villard en 1900 : ce sont des ondes très énergétiques, capables de traverser de grandes épaisseurs de matière.

La portée des rayons

Tous les rayonnements n’ont pas la même distance de parcours.

Dans l’air :
- Alpha : 5 cm
- Bêta : jusqu’à 10 m
- Gamma : plus de 100 m

Dans l’eau :
- Alpha : 0,07 mm (épaisseur des cellules mortes de la peau)
- Bêta : environ 1 cm
- Gamma : jusqu’à 10 m

Pourquoi parler de l’eau ? Parce que notre corps en est composé à près de 70 % ! Ces ordres de grandeur aident à comprendre comment les rayonnements interagissent avec nous.

L’irradiation : une exposition extérieure

On parle d’irradiation lorsque la source radioactive est à l’extérieur du corps ou de l’objet. L’exposition peut concerner tout le corps (exposition globale) ou seulement une partie (par exemple lors d’une radiographie du poignet).

L’avantage, c’est que l’irradiation cesse aussitôt que la source disparaît ou que l’on s’en protège. Trois solutions existent :

- Réduire le temps d’exposition (arrêter un appareil à rayons X, par exemple).
- Augmenter la distance entre soi et la source.
- Placer un écran protecteur entre la source et soi (plomb, béton, eau, etc.).

C’est ce que l’on appelle le trio temps – distance – écran, les trois règles essentielles pour limiter une irradiation.

La contamination : une radioactivité embarquée

 La contamination désigne « la présence indésirable de substances radioactives à la surface ou à l’intérieur d’un milieu quelconque, y compris le corps humain ». Elle apparaît lorsqu’une matière radioactive s’échappe, sous forme de poussière, de liquide ou de gaz.

Il existe deux cas de figure :

- La contamination externe : la radioactivité se dépose sur la peau, les cheveux ou les vêtements.
- La contamination interne : elle pénètre dans l’organisme par inhalation, ingestion, passage à travers la peau ou par une blessure.

Une fois installée, la contamination provoque une irradiation permanente tant qu’elle n’est pas éliminée :

- La contamination externe irradie surtout la peau et les tissus proches.
- La contamination interne touche les organes. Elle peut diminuer avec le temps grâce à la décroissance radioactive (la perte progressive des atomes instables) et à l’élimination naturelle par l’organisme, mais ce processus est parfois beaucoup trop lent pour compter à l’échelle d’une vie humaine.

 On distingue aussi deux formes de contamination :

- Labile : peu accrochée, elle se transfère facilement par simple contact, comme de la poussière qui s’envole et se dépose ailleurs.
- Fixée : solidement attachée, elle se propage peu, mais elle est beaucoup plus difficile à retirer, comme une tache incrustée.

Exemple de la vie courante

Imaginons une salle de classe avec un tableau et de la craie.
Supposons que la craie est un produit radioactif.
- Le morceau de craie émet des rayonnements que vous recevez : c’est l’irradiation
La craie émet de la poussière invisible, des particules en suspension dans l’air.
- Si vous tapez un tampon effaceur et que de la poussière se dépose sur vos mains : c’est une contamination externe.
- Si vous respirez cette poussière : c’est une contamination interne.

Au Musée Curie : des exemples concrets

Le Musée Curie conserve de nombreux objets liés aux recherches sur la radioactivité, qui permettent d’illustrer la différence entre irradiation et contamination.

- Le cristallisoir violet : ce récipient en verre était utilisé au laboratoire Curie pour manipuler des substances radioactives. À l’origine transparent, le quartz contenu dans le verre a changé de couleur sous l’effet des rayonnements : il est devenu violet, comme une améthyste. Ici, nous avons un exemple d’irradiation : le verre a été modifié par la radioactivité, mais il n’est pas contaminé et peut être exposé en toute sécurité.

L'améthyste

C’est une variété de quartz violette. En effet, il y a des gisements d’améthyste qui se trouvent dans le Massif central, là où il y a du granite contenant de l’uranium et du thorium, qui sont radioactifs, d’où sa couleur violette.

- Le parquet du bureau et du laboratoire de chimie de la direction du laboratoire Curie: certaines zones présentent encore de rares taches de contamination, vestiges des manipulations quotidiennes. Les mesures effectuées montrent que la contamination est fixée, ce qui signifie qu’elle est solidement attachée au support et ne se transfère pas. Elle ne présente donc pas de risque, mais témoigne du passé scientifique du lieu.

- Objets irradiants retirés du public : certains instruments contiennent encore une radioactivité significative. Par exemple, une boîte médaille a été mesurée radioactive et un frottis a révélé une contamination labile, facilement transférable. Ces objets sont conservés dans un local sécurisé, hors de portée du public, pour garantir la sécurité tout en préservant le patrimoine scientifique.

Ces exemples permettent de comprendre que :
- Un objet peut être irradié (modifié par les rayonnements) sans être contaminé.
- La contamination peut être fixée (peu mobile) ou labile (facile à déplacer), ce qui influence le risque et les mesures de sécurité.

Ce que l’on peut retenir

Irradiation et contamination sont deux aspects différents de la radioactivité.
- L’irradiation est une exposition extérieure qui cesse dès que l’on se protège.
- La contamination correspond à la présence de radioactivité sur ou dans un objet ou un corps, et peut être fixée ou labile.

Au Musée Curie, certains objets ont été irradiés sans être contaminés, d’autres portent des traces de contamination. Comprendre cette différence permet de mieux appréhender la radioactivité et les précautions prises pour protéger le public.


Marc Ammerich est ancien inspecteur nucléaire au commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, travaillant dans le domaine de la radioprotection depuis plus de quarante ans. Il a mené au Musée Curie plusieurs chantiers de radioprotection sur les objets et les archives contaminés.

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